Ce sont les termes choisis par Baucher pour définir un mode d'action des aides destiné à solliciter les forces de l'arrière-main et de l'avant-main afin d'établir entre elles la plus juste harmonie.
Ce n'est donc ni une allure, ni un air, mais une combinaison d'aides pour aboutir à la légèreté par un accord parfait de l'assiette et des jambes d'une part, et de la main d'autre part. Baucher précise que « tant que l'assouplissement général du cheval n'est point parfait, les effets d'ensemble ne peuvent être qu'ébauchés. »
Fandango, arrêt rassemblée sur l'effet d'ensemble.
Pour le Maître du XIXe siècle, ce moyen est destiné à parfaire l'équilibre de chevaux déjà très avancés en dressage et à contrôler les gestes intempestifs, tels par exemple un piaffer en défense. Son disciple, le général Faverot, désigne ce moyen comme « l'effet d'ensemble sur l'éperon » et donne à cet instrument une prépondérance que Baucher n'évoque pas puisqu’il ne parle pas une fois de l'éperon dans le chapitre qu'il consacre à l'effet d'ensemble.
Faverot y voit surtout « le moyen absolument sur d'empêcher défenses et désordres. » Le capitaine Beudant reprend le même concept.
Gerhardt, autre disciple de Baucher, reste fidèle à la conception du Maître réunissant dans le même chapitre l'effet d'ensemble et la descente de main sans intervention de l'éperon.
L'effet d'ensemble est-il donc une novation, un apport technique à l'équitation ? En vérité, comme pour un certain nombre d'autres bauchérisations, le mérite de Baucher tient plus dans une formulation détaillée et précise d'un moyen équestre que dans une véritable invention. On peut, sans forcer le texte, trouver chez La Guérinière par exemple, le même principe destiné à mettre le cheval dans les conditions les plus favorables pour répondre à nos sollicitations en ramenant au centre de gravité les forces divergentes. Relisez le chapitre « du demi-arrêt » et vous en serez convaincus.
L'école de Vienne qui se veut héritière de La Guérinière, définit par la plume de son ancien directeur, le colonel Podhjasky, les aides du rassembler dans le mouvement et à l'arrêt d'une manière très voisine bien que plus dure, de celle de Baucher décrivant l'effet d'ensemble. Enfin, je reviens à la définition qu'en donne Faverot pourtant inconditionnel de Baucher. Trois pages d'une tout autre veine que celle du Maître : usage du caveçon par un aide à pied, étreinte énergique, attaques vigoureuses des éperons, coups de cravache, etc. Notre modeste expérience nous montre qu'un cheval qui répond à la définition de Baucher pour être mis à l'effet d'ensemble, c'est-à-dire déjà parfaitement assoupli, ne justifie jamais un tel arsenal ! à ce stade, les défenses contre les aides ont disparu depuis longtemps et l'effet d'ensemble n'a d'autre raison d'être que de parfaire les équilibres.
L'effet d'ensemble, action quasi simultanée des aides de retenue et de propulsion, est-il en contradiction avec le « main sans jambes, jambes sans main » ? La réaction de Baucher peut prêter à équivoque pour le lecteur néophyte. L'introduction du chapitre est la suivante : « En sollicitant dans de justes limites les forces de l'arrière-main et de l'avant-main, on établit leurs oppositions exactes ou l'harmonie des forces ».
Que ce terme d'« opposition exacte » vous choque, rien d'étonnant, je l'ai été en mon temps. Inappropriation du terme ou négligence de style, j'ai mis quelques dizaines d'années pour lire plutôt « harmonie exacte », tant il est vrai que les deux forces cessent d'agir simultanément et en sens contraire avant que « l'opposition » ne se fasse sentir. Il faut préciser qu'à cette époque, le mot opposition été défini par le Littré comme « mettre en face, vis-à-vis » alors qu'aujourd'hui, le Robert parle « d'antagonisme, de désaccord ». Qu'on ne pardonne cette digression, elle souligne la difficulté de bien lire et interpréter les auteurs les plus classiques et rend plus dérisoire certaines querelles entre exégètes superficiels.
Arrêt rassemblé normal.
Il peut être appliqué comme calmant dans le mouvement ou dans la mobilité de pied ferme : agitation en place, ou même diagonalisation non réclamée. De toute façon, il ne peut être envisagé qu'à un stade avancé du dressage et considéré comme une façon de rétablir ou de parfaire le rassembler. Toute tentative d'effet d'ensemble sur un cheval sensible et peu instruit se traduira par des défenses proportionnelles à son efficacité. Le cheval progressivement travaillé dans la recherche des translations de poids dans un sens ou dans l'autre par dissociation des actions de main et de jambe, accepte sans surprise le rapprochement progressif et étalé sur des années d'exercices, de ces actions. Les déplacements de poids qui en sont les conséquences permettent de rapprocher plus ou moins les extrémités inférieures du cheval. Ils agissent sur la flexion des articulations et l'équilibre en réduisant sa base de sustentation.
L'exécution de l'effet d'ensemble commence par un engagement - enveloppement progressif de l'assiette complète, reçu moelleusement dans les phalanges de la main, poignets fixes. Il se termine par l'immobilisation complète de l'enveloppement, assiette, cuisses, jambes, avec simultanéité de la fermeture immobile des phalanges et des jambes.
C'est ainsi, par exemple, que l'on doit agir pour interrompre une diagonalisation non sollicitée d'un cheval nerveux qui ne tient pas l'arrêt régulier et fait une confusion avec le piaffer. C'est de la même manière que l'on interrompt le piaffer d'un débutant auquel la simple descente de main et de jambe ne suffit pas. C'est encore par un léger effet d'ensemble appliqué à l'instant où l'on arrête le cheval qu'on en perfectionne la régularité. Et encore par des effets d'ensemble plus ou moins concentrés que l'on règle la cadence d'un trot d'école ou d'un galop ralenti.
Pour les arrêts rassemblés ou pour corriger des pertes d'équilibre en place, on ne peut effectivement terminer l'enveloppement d'assiette - cuisses - jambes, par l'application délicate de l'éperon au poil. Il faut alors une finesse d'assiette et une précision peu commune, faute de quoi cet embrassement magique peut devenir... maléfique au moindre mouvement involontaire.
Un effet d'ensemble s'applique dans le temps d'une foulée s'il sollicite l'arrêt ; il cesse aussitôt obtenu. S'il est destiné à améliorer le rassembler ou la cadence du trot ou du galop, il ne peut être prolongé au-delà d'une foulée sans inquiéter le cheval, quitte à le reprendre un peu plus loin.
J'ai pleinement conscience de la difficulté de faire passer en quelques lignes une explication qui nécessite une démonstration observée, puis pratiquée sur un cheval mis. Hélas, ainsi en va-t-il de l'équitation fine où, au fil et à mesure de son évolution, l'explication tangente les limites de l'indicible.
Arrêt rassemblé sur effet d'ensemble.
Nous avons étudié dans « le temps d'apprendre » (n° 175 juin 86), le simple arrêt régulier, puis l'arrêt rassemblé du pas (n° 181 décembre 86). Il faut maintenant que nos arrêts, quels que soit l'allure ou l'air dans lequel il est demandé, s'exécutent dans une parfaite mise en main. La conception que l'on doit en avoir maintenant n'est plus celle de l'arrêt repos ou de l'arrêt simple immobilité régulière, mais celle de l'arrêt dans lequel toutes les forces du cheval sont concentrées et prêtes à l'emploi... C'est l'arrêt rassemblé dont La Guérinière dit que les avantages sont « de rassembler les forces du cheval, de lui assurer la bouche, la tête, les hanches, et de le rendre léger à la main », l'arrêt pris à n'importe quel instant et à partir duquel peuvent être abordés toutes les allures et tous les airs.
L'effet d'ensemble, nous l'avons vu, sera nécessaire chaque fois que l'équilibre rassemblé nous échappera dans les arrêts et les départs.
Tout le corps y contribue : l'engagement du rein et l'enveloppement des jambes en même temps que les demi-arrêts donnés sur la rêne extérieure alors que la main intérieure maintient le contact du côté concave pour éviter l'inversion du pli. Le demi-arrêt ne doit jamais être prolongé. En cas d'échec ou de résistance, il faut remettre le cheval en avant et réitérer le demi-arrêt sans tension prolongée des rênes.
Il doit s'effectuer de pied ferme, droit et sans un pas intermédiaire. Le préparer au piaffer facilite la première foulée diagonalisée du trot presque sur place avec l'engagement de l'arrière-main. Le test de qualité du départ au trot réside aussi dans le maintien immuable du rassembler sans que la tête ni l'encolure ne modifient leur attitude par le moindre mouvement. Pour le départ : action simultanée, précise et légère des deux jambes, liée à l'engagement des lombaires qui produisent une avancée du bassin. Nos avant-bras solidaires du bassin s'avancent d'autant, ce qui suffit à libérer, en la canalisant, une partie de l'impulsion contenue dans l'arrêt rassemblé.
Lorsque dans le départ, le cheval tente encore de sortir de la main ou de s'y appuyer, demi-arrêt sur la rêne extérieure pour rétablir l'arrêt complet rassemblé.
Les aides sont pratiquement les mêmes que celles de l'arrêt du trot, c'est-à-dire la surimpulsion par le jeu du rein et le redresement du buste, la rêne intérieure immuable qui fixe la tête et l'encolure alors que la main extérieure exécute un ou plusieurs demi-arrêts sur la rêne du même côté. Ces demi-arrêts que les auteurs germaniques appellent parades (de l'espagnol para : retenir) et qui partent d'un dos fermement engagé provoquent le ploiement des hanches, donc leur abaissement, et un relèvement de l'avant-main. C'est sur un demi-arrêt appliqué lorsque les foulées du galop sont devenues les plus courtes et légères possible, et avec un relâchement des jambes que se réalisera le bel arrêt rassemblé du galop.
Pour éviter le reculer dans l'équilibre subtil de l'arrêt, il faut maintenir la tension du rein et l'enveloppe légère des jambes à la sangle.
Il doit pouvoir s'exécuter de pied ferme de l'arrêt rassemblé. Au niveau de sensibilité qui caractérise cet arrêt, les aides du départ doivent intervenir avec finesse. Il ne peut plus être question de partir par la seule action isolée de la jambe extérieure. Sans exercer la moindre force, la main doit, par des actions fines des doigts, maintenir le cheval droit d'épaules et de hanches, postérieurs fléchis. Elle doit sentir à la fois la perméabilité de la nuque et la flexion de la mâchoire inférieure. Les deux jambes vibrent à la sangle, la jambe extérieure se place quelques centimètres en arrière et la jambe intérieure à la sangle effectue par torsion un léger mouvement d'arrière en avant qui déclenche le galop.
à ce niveau de rassembler, donc de vulnérabilité de l'équilibre, le dosage doit être minutieux. Une action prononcée de la jambe extérieure jettera les hanches en dedans. à l'inverse, le cheval partira sur le pied extérieur. En cas de difficultés et si le galop se traverse, redresser au pas rassemblé, arrêt dans un léger pli d'épaule en dedans et repartir avec un dosage réduit. Observer constamment votre position.
Michel Henriquet