L'expression "tendre son cheval", bien mal comprise, a conduit des générations de cavaliers à emboutir leurs montures au nom de la tension. Celle-ci est en fait un état mental et musculaire que l'on travaille tout au long de la vie du cheval.
Comme je l'écrivais déjà dans l'équitation, un art une passion, "tendre le cheval revient souvent à le mettre dans un état prétendument impulsif, mais surtout perceptible à la main du cavalier. Cela consiste le plus souvent à opposer la main aux jambes jusqu'à ce que le cheval tire énergiquement alors qu'il ne doit être tendu que sur lui-même." Si depuis la situation s'est améliorée, elle est encore loin d'être satisfaisante. La vraie tension est un état mental et musculaire, une véritable force interne et une concentration qui provoque un besoin de détente que le tact du cavalier, après l'avoir provoquée, s'emploiera à canaliser et à exploiter. Cette tension n'a donc rien à voir avec la traction du cheval qui lutte contre l'opposition de la main à la jambe, pèse ou tire. Pour éviter tout malentendu, il faut préciser que ce précieux état évolue tout au long du dressage.
Les doigts se fixent relativement
bas pour prévenir le relèvement de la nuque.
Un cheval de trois ans et demi ou quatre ans peut être mis en tension dans les limites de son assouplissement et de son équilibre encore précaires. Cet état s'affirme en même temps que le code de communication et l'état général de l'animal se modifient avec le travail. On peut parfaitement considérer que rassembler et tension évoluent conjointement et parallèlement tout au long du juste dressage du cheval. Par conséquent, l'état de tension ne se manifeste pas et ne s'observe pas de la même façon sur un jeune cheval, un cheval déjà bien mis et un cheval vraiment rassemblé. Il ne s'élabore pas non plus de la même manière à chacun de ces trois stades de la progression. Avec le jeune cheval ou un cheval sans éducation, la création de la tension ne peut s'envisager au début qu'avec des aides de propulsion. Celles-ci n'agissent durant de longues périodes qu'indépendamment des aides de direction et de contention : dos, assiette, jambes, tapotement de la grande cravache. La main n'interviendra que lorsque la tension vers l'avant se manifestera par un pas énergique, des foulées amples et une colonne vertébrale déroulée de la nuque à l'insertion de la queue. A ce moment les rênes de filet (seules) vont s'ajuster sans aucune recherche de ramener, mais dans le seul but d'amener le cheval à s'y poser de lui-même avec confiance.
Cela donnera un animal déroulé à l'encolure horizontale formant avec sa tête un angle ouvert. Il sera même un peu sur les épaules, ce qui ne sera pas un inconvénient s'il porte sa tête sans peser ni tirer.
A ce niveau, on doit se contenter d'amener le cheval à reposer aimablement sa bouche sur notre main par l'intermédiaire du mors de filet.
à quatre ans et demi ou cinq ans, après dix-huit mois d'assouplissements sur une et deux pistes, de transitions dans et entre les allures, le cheval répond aux aides, son équilibre sans le cavalier a évolué vers une bonne flexion des articulations, une incurvation latérale et longitudinale satisfaisante. à la tension du dos du cavalier, il répond par le mouvement en avant et un contact franc sur une main immobile aux doigts moelleux. Nous en sommes toujours au stade du main sans jambes, jambes sans main nettement séparées mais dans une alternance plus rapprochée. Ce jeu des aides va immédiatement provoquer la contraction « utile » de tous les éléments moteurs du cheval. L'alternance avec leur extension va déterminer la saine tension.
Un troisième stade du dressage, il s'agit d'un cheval rassemblé qui aborde les airs savants. Il peut avoir entre sept et neuf ans et doit se tendre sur lui-même à la moindre indication du cavalier. Nous avons atteint le point ou les actions alternées main sans jambes, jambes sans main peuvent se succéder à la limite (à ne pas franchir) de la simultanéité. Les aides de mise sous tension du cheval vont être la tension des muscles lombaires du cavalier jointe aux enveloppements des jambes vibrantes. Le cheval s'arrondira, se tendra sur lui-même sans appui sur la main et développera ou relèvera ses mouvements suivant que lui sera appliquée une légère prédominance du dos sur la main ou de la main sur le dos.
La bonne « mise sous tension » du cheval abordant le stade le plus évolué de son dressage peut se contrôler visuellement par la cession simultanée de la nuque et de la mâchoire inférieure, donnant un chanfrein ramené proche de la verticale, sur des rênes de filet en contact par le seul poids du cuir, la nuque demeurant le point le plus haut.
La cadence doit demeurer immuable au pas comme au trot et au galop, les transitions montantes ou descendantes se déroulant sans rupture du rythme. L'état de tension est révélé par la facilité avec laquelle le cheval étendra ses mouvements ou les relèvera en parfait accord avec les discrètes indications du dos et des doigts du cavalier. La capacité à passer d'un air savant dans l'équilibre le plus fin, à un autre air sans le moindre hiatus n'est possible que dans la tension optimale. L'efficacité de projection d'un arc est liée à sa tension sur lui-même. Ainsi il va du corps du cheval justement dosé. Là est le propre de la saine tension.
Michel Henriquet - novembre 99