Le piaffer est la diagonalisation relevée et en place, avec un temps de suspension entre chaque poser des diagonaux. Le cheval reste droit et n'avance ni ne recule.
Jusqu'à la fin du XIX' siècle, le piaffer était débuté entre les deux piliers, mobilier essentiel des manèges. L'écuyer à pied, chambrière en main, faisait balancer les hanches de part et d'autre en réduisant progressivement le mouvement latéral jusqu'à la mobilisation des postérieurs en place.
Baucher et le XIX' siècle avec lui, abandonnent le dangereux point fixe des piliers pour le remplacer par la main du cavalier à pied qui tient caveçon et rênes, alors que l'autre main sollicite les hanches de la cravache ou de la chambrière. Dans le piaffer, la pince du membre au soutien s'élève plus qu'au passage et la flexion des hanches est plus prononcée. Pour être majestueux, il doit être lent et relevé, les battues régulières et parfaitement diagonalisées. Peu de chevaux, et moins encore de cavaliers, sont capables d'exécuter cet air, dont l'instabilité est telle qu'il ne supporte aucune action appuyée des aides sans se défaire aussitôt.
Catherine Henriquet, au piaffer sur Spartacus,
dans la descente de main.
Le piaffer est l'expression la plus parfaite de l'équilibre équestre. A partir du piaffer, tous les airs sont immédiatement exécutables dans l'équilibre le plus juste. Pour comprendre le piaffer, il faut savoir qu'à l'état naturel, dans une situation paroxystique correspondant aussi bien à une impulsion agressive que ludique ou sexuelle, le piaffer précède toujours l'action. C'est le prélude à un mouvement immédiat et rapide auquel le cheval se prépare par cette mobilisation statique de toutes ses fibres corporelles. C'est pourquoi le piaffer, pendant tout son apprentissage, qui est fort long, doit être exécuté en avançant légèrement et être suivi d'un trot rassemblé ou du passage. Maintenir le cheval en place trop longtemps lorsqu'il piaffe est un non-sens puisque, pour lui, le piaffer est un prélude et non une finalité. Il est aussi un test de l'excellence de la mise en main et du niveau de la légèreté. Le général Decarpentry définit le piaffer comme "un témoignage d'ajustement parfait des forces en mouvement". Diagonalisation et mise en main sont indissociables pour parvenir au piaffer et au passage.
Beaucoup s'imaginent que pousser et retenir en mesure créera cette diagonalisation dont ils rêvent. Cela est impossible, même avec les chevaux les plus doués. Il n'est que d'assister à une de ces "férias" où l'on voit plus de piaffers "dépités" et de sauts-de-pie que de diagonalisations régulières et rythmées. Le piaffer sera toujours l'apanage de chevaux et d'écuyers artistes.
lsgar, 7 ans. Un début de piaffer prometteur.
Très efficace mais pas obligatoire, le travail à pied du jeune cheval est une excellent epréparation. Lorsqu'en main on obtient le marcher droit régulier, le reculer et marcher en avant, une épaule en dedans correcte et les départs au trot de l'arrêt, on lui demande à l'aide de la gaule une première diagonalisation en place. L'absence de cavalier, donc de poids sur son dos, donne au cheval une aisance particulière dans ses mouvements.
Dans la deuxième année de travail monté, nous allons chercher à raccourcir et relever le pas avec des actions soutenues par de légers demi-arrêts, alternés avec des remises en avant à un bon pas de travail, des arrêts et reculers légers, le tout dans un placer fixe.
Au fur et à mesure que ces transitions se font plus faciles, il faut raccourcir le pas rassemblé en avançant de moins en moins, et reporter au pas de travail aussitôt que l'on a obtenu une battue sur place. Parfois, afin d'asseoir le cheval davantage dans le départ au trot, nous le demanderons à partir du reculer.
L'exécution de cette gymnastique fait apparaître à l'évidence que le raccourcissement et le relèvement progressif du pas engendrent la diagonalisation. C'est pourquoi on peut commencer cette recherche avant celle du passage qui nécessite, lui, la sophistication du trot rassemblé, beaucoup plus long à préparer.
Montégo, 6 ans. Dix-huit mois de dressage.
Il faut se faire une idée précise du dosage des aides et savoir que le piaffer n'est possible que lorsque le cheval cesse tout appui contre la main au-delà du simple contact. Un léger demi-arrêt sur la rêne extérieure, joint à l'engagement du bassin et au rythme alterné de chaque jambe, doit provoquer l'abaissement des hanches et l'élévation de l'avant-main. Les deux bouts du cheval tenus égèrement à droite quelle que soit la main, limiteront le rejet excessif des hanches à droite et de l'encolure à gauche.
La flexion alternée de chaque genou du côté du diagonal sollicité va déclencher le piaffer. Impact de la jambe droite au poser de l'antérieur droit, idem à gauche. Le buste est tiré vers le haut et légèrement en arrière, la main extérieure un peu relevée et légère exerçant de brèves reprises pour maintenir le cheval arrondi dans son dessus et léger. L'assiette liante, la ceinture relâchée permettent de saisir le mouvement pendulaire et de l'enrichir par la flexion alternée de chaque jambe. Il faut limiter le plus possiblel'intervention de l'aide et de sa chambrière, sauf pour donner une touche de brillant. Le placer vertical du chanfrein n'est pas obligatoire avec tous les chevaux. Certaines encolures défectueuses n'interdisent pas le piaffer si l'on ne le force pas dans un placer impossible. Si le piaffer s'éteint, il faut reprendre les variations énergiques piaffer- trot, avec réduction des foulées jusqu'à l'arrêt et reprise au trot rassemblé.
Orlando, 6 ans. Premières battues de piaffer.
Sachez enfin que le piaffer se développe avec la maturité de l'animal et qu'il est vain de l'attendre avant l'âge de sept ans, même si l'on doit y penser avant cinq ans.
Michel Henriquet